La gestion de la performance tue-t-elle la « vraie » performance ? AGEFI Indices, Oct. 18

Les systèmes de gestion de la performance sont de plus en plus sophistiqués, basés sur l’espoir d’un impact réel sur la motivation et les résultats. Favorisent-ils vraiment la performance, la vraie ? On peut en douter : le court terme prend plus que jamais le dessus sur la performance durable, et les effets collatéraux sont assez invariablement les mêmes. Ils semblent désormais peser de plus en plus lourdement sur les organisations, les collaborateurs mais aussi sur la société. 
Le management de la performance (objectifs, évaluation et reconnaissance) préoccupe beaucoup les organisations, particulièrement depuis qu’elles ont commencé à grandir et à couvrir le monde entier (multinationales). La révolution représentée par le lancement, dans les années 60, de la gestion par objectifs ne semble toujours pas achevée. Le rôle clé de la gestion de la performance dans l’atteinte des résultats est central. Les méthodes se sont sophistiquées durant ce demi-siècle. Mais ont-elles intégré les expériences et évolué en fonction des réels enjeux ? On peut en douter : le court terme prend plus que jamais le dessus sur la performance durable, et les effets collatéraux sont assez invariablement les mêmes. Ils semblent désormais peser de plus en plus lourdement sur les organisations, les collaborateurs mais aussi sur la société :

  • On déplore de plus en plus de malaises liés à la pression productiviste, de cas de stress et de burnout dont les coûts financiers et humains sont énormes
  • On observe de plus en plus de comportements « conformes », strictement focalisés sur le respect des règles et des normes, aux antipodes de l’innovation pourtant absolument indispensable aujourd’hui
  • L’individualisme, caractéristique d’un monde où les relations sociales laissent leur place aux relations virtuelles, se trouve renforcé, chacun pensant d’abord à sa performance et à son bonus
  • La collaboration transversale, pourtant encouragée, devient de plus en plus difficile, avec des silos qui presque partout se renforcent quels que soient les discours associés
  • Le management de la performance justifie des écarts de salaires souvent énormes entre niveaux et fonctions, au-delà de ce que la valeur d’équité de traitement ne tolère, avec de gros impacts sur l’engagement des collaborateurs
  • On passe de plus en plus de temps à gérer les cas de faible performance, gros consommateurs d’énergie et d’attention managériale, avec un impact très négatif sur la dynamique humaine.

Le management de la performance est-il au service de la performance, ou d’autres intérêts individuels (enrichissement p.ex.) ? Encourage-t-il les organisations à évoluer face aux énormes défis qui les attendent ? Les questions doivent être posées, et des réponses apportées.

Associé à la gestion des compétences, le deuxième grand pilier du management des ressources humaines, la gestion de la performance contribue avant tout à assurer la maîtrise des opérations attendues et la conformité des compétences et comportements par rapport à des référentiels préétablis. Il s’agit d’assurer avant tout la performance à court terme. Dans ce but, les efforts de développement se focalisent d’abord sur le dépassement des points faibles et des lacunes.

On ne travaille en revanche guère sur la quête d’excellence au sens propre du terme, qui consiste à dépasser les attentes en sortant parfois du cadre, sur la valorisation du savoir-faire et des talents individuels, pas plus que sur la responsabilisation de l’individu par rapport à sa contribution à la création de valeur collective.

Autant la gestion de la performance que la gestion des compétences visent donc une forme de performance, celle attendue dans le cadre du plan défini, dans une logique de gestion optimale des ressources. Elle permet de gérer l’existant, pas de préparer l’avenir, encore moins de donner corps à la valorisation de ce qui est souvent considéré comme le capital le plus précieux de l’entreprise : le capital humain. Optimiser les processus n’est pas valoriser la dynamique humaine, l’intelligence collective, le réussir ensemble. Le Réussir ensemble vise à donner à la gestion RH une dimension de valorisation des potentialités plutôt que de réponse à des attentes prédéfinies, d’encourager la mise en commun des talents pour innover, créer de la valeur, sortir du cadre pour devenir agiles et créateurs de valeur dans la durée pour toutes les parties prenantes : les actionnaires bien sûr, mais aussi les clients, les partenaires, la société dans son ensemble, les collaborateurs.

Des déséquilibres de plus en plus marqués menacent la manière de gérer nos organisations, et ses ressources humaines en particulier. Le management de la performance, comme celui des compétences, sont donc à réinventer. Certains se lancent dans les objectifs collectifs, d’autres se limitent désormais à un simple feedback – l’essentiel pour eux. Cela reste très nettement insuffisant, parce qu’on ne fait que pallier des insuffisances avec des solutions qui soignent le mal, pas la cause.

La remise en question doit être générale – management, collaborateurs et consultants. Dans les organisations où la création de valeur revêt une importance décisive, il s’agit, bien au-delà de l’engagement des ressources et de l’optimisation des processus, de développer tout le volet « capital humain ». En s’engageant dans cette voie, on est amené à définir une réelle vision humaine, où l’Homme créateur de valeur reprend sa place – mais une place exigeante, pas une place acquise. Ceci revient à repenser les modes d’organisation du travail, les modalités de responsabilisation des individus et surtout la manière de dynamiser et de faire grandir ce potentiel dans la durée. Cela amène inévitablement à redéfinir le leadership et la manière de le développer, afin d’être capables d’orienter les talents et de les mettre en puissance.

Cette remise en question n’est pas que cosmétique. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme, qui pourrait être brutal pour certains. Il n’en semble pas moins indispensable. L’important, c’est qu’il soit bien accompagné.

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