Tests de personnalité : sommes-nous prêts à accepter l’invisible ? - Agefi Indices, Mai 2021 - D. Held
Cette particularité exigerait une rigueur scientifique implacable (qualité des analyses statistiques, des échantillons et des documents) et une attention extrême aux trois questions suivantes, essentielles pour déterminer la fiabilité et la validité des résultats:
- Le sujet a-t-il été sincère, cohérent et a-t-il donné une image précise et correcte de lui-même ? Comment pouvons-nous le savoir (échelles de fiabilité)?
- Les questions posées sont-elles pertinentes, c-à-d sont-elles à même de mesurer le thème concerné précisément et sans ambiguïté, sans interprétation et sans biais culturels ?
- Le référentiel utilisé (les thèmes et dimensions mesurés) est-il pertinent par rapport au but de l‘évaluation (p.ex. potentiel devente ou capacité à changer) ? Les dimensions sont-elles claires, indépendantes les unes des autres et correspondent-elles à la réalité concernée ?
Ces questions sont essentielles, mais qui se les pose vraiment lorsqu’il voit un résultat qui lui parle ? Et s’il lui parle, c’est d’abord parce qu’il correspond à ce qu’il a répondu ou à ce qu’il a perçu en entretien. En d’autres termes, lorsque les résultats confortent l’image que l’on a (de soi ou de l’autre), donc aux aspects visibles ( la « partie émergée de l’iceberg »), on a le sentiment que les résultats sont valides. Or, la partie visible n’est de loin pas l’essentiel pour prédire des comportements futurs.
C’est la raison majeure pour laquelle un certain nombre d’outils, qui mettent en valeur des évidences intéressantes (p.ex. les orientations générales de la personnalité), souvent avec des textes rédigés très habilement dans lesquels la plupart peuvent se reconnaître (cf. l’effet Barnum), rencontrent un succès considérable. On leur prête une capacité prédictive qu’ils n’ont pas, puisqu’ils permettent de révéler ce qu’on veut (faire) savoir. L’argumentation de leurs promoteurs (un taux de reconnaissance très élevé) est donc de l’imposture, bien loin de la validité scientifique.
La vertu principale de ces outils est donc de conforter chacun dans ses perceptions et convictions. Elles ne sont que rarement fausses, mais elles restent au niveau de l’évidence et de processus psychologiques élémentaires. Les consultants leur donnent souvent une légitimité en construisant autour de ces résultats des stages de formation ciblés (p.ex. rôles dans l’équipe, styles de vente, modes de gestion de conflits,...).
Or, si la psychométrie a été développée, ce n’est pas pour mesurer l’évidence, mais pour rendre visible l’invisible, les talents cachés et les facteurs de blocage, donc ce qui peut se passer dans des situations qui sortent de la zone de confort (maîtrise du sujet et de l’environnement). Par exemple, comment un individu se comporte face à la complexité, dans l’incertitude, dans des rapports de force différents, lorsque ses alliés ne sont pas là, ...
Très peu d’outils sont capables de cette performance, parce que cela fait appel à des méthodologies, à de l’expertise et à une rigueur scientifiques qui ne sont pas à la portée de n’importe qui.
Paradoxalement, les outils qui ont ces capacités et dont la puissance prédictive peut être 3 à 5 fois plus grande (la probabilité que les compétences mesurées et cherchées se manifesteront dans le travail), ne sont pas toujours perçus à la hauteur de leur qualité. En effet, l’invisible qu’ils révèlent ne fait pas partie des évidences ni de ce qui a pu être observé, de ce dont on a conscience ou qu’on accepte (autant pour des talents particuliers que pour des facteurs de blocages). Ils suscitent donc souvent de la désapprobation ou de l’étonnement, même si un examen approfondi les confirme presque toujours.
Or ces outils – très rares malheureusement - sont indispensables pour pénétrer dans un espace nouveau - celui de la valorisation et du développement du véritable potentiel humain. Et à ce moment charnière de l’évolution de l’humanité, c’est vraiment de cela dont nous avons le plus besoin.
